17.08.01
Anticorps
Les anticorps, en tant que classe de composés chimiques, sont bien caractérisés sur les plans structurel et fonctionnel, et l’on sait que les mammifères produisent habituellement un antisérum contenant des anticorps dirigés contre un antigène, après immunisation. Cet antisérum contient une famille générique, un genre ou un mélange polyclonal d’anticorps, où chaque anticorps se lie à un déterminant antigénique, ou épitope, de l’antigène immunisant. L’antisérum représente la famille d’anticorps capables de se lier à l’antigène immunisant.
Comme dans le cas des revendications visant un produit ou un procédé, une revendication visant un anticorps donné doit être étayée par un mémoire descriptif qui a) comporte une description écrite de l’anticorps et b) permettrait à une personne versée dans l’art de produire ledit anticorps.
17.08.01a
Anticorps « génériques » et polyclonaux
Les méthodes de préparation de sérums polyclonaux sont bien connues dans l’art. Il n’est donc pas nécessaire que le mémoire descriptif comporte une description détaillée de ces méthodes pour être valable.
La description écrite d’un anticorps, comme dans le cas de tout autre composé chimique, peut porter sur la structure chimique de l’anticorps (la séquence polypeptidique). Les anticorps sont toutefois rarement décrits ainsi. En effet, il est maintenant pratique courante de décrire les anticorps en fonction de l’antigène auquel ils se lient, et les revendications visant des anticorps sont souvent rédigées en langage dit fonctionnel, tel que « capable de se lier à ». Ainsi, la description écrite d’un anticorps peut consister en une description écrite de l’antigène auquel il se lie. Comme les antigènes sont des composés chimiques, la meilleure façon de les décrire est d’en préciser la structure chimique. La description d’un antigène en fonction de ses propriétés physiques ou chimiques peut être adéquate, à la condition que les propriétés citées soient suffisantes pour que l’on puisse distinguer l’antigène de tout autre composé chimique.
Puisqu’il est entendu de manière implicite qu’un antigène présente de nombreux épitopes, la description écrite d’un antigène est assimilée à la description écrite de l’ensemble des épitopes portés par l’antigène et constitue donc une description de l’anticorps générique ou polyclonal auquel il se lie.
Si une demande comporte une revendication visant un antigène et une revendication visant un anticorps réagissant avec ledit antigène, les deux revendications doivent être de portée comparable en ce qui concerne l’antigène.
Si, cependant, l’état antérieur de la technique révèle que l’antigène X est connu, évident ou dépourvu d’utilité, les anticorps polyclonaux réagissant avec cet antigène seraient généralement considérés comme évidents ou dépourvus d’utilité. Lorsque l’état antérieur de la technique divulgue des anticorps réagissant avec une substance étroitement apparentée sur le plan structurel à l’antigène X, une revendication visant « un anticorps polyclonal capable de se lier à l’antigène X » serait anticipée puisqu’elle correspond à l’anticorps connu en raison du phénomène de réactivité croisée.
Une revendication visant « un anticorps capable de se lier à l’antigène X » ou « un anticorps polyclonal capable de se lier à l’antigène X » sera généralement considérée comme supportée par un mémoire descriptif, à la condition que :
- l’antigène X ait été lui-même décrit de façon adéquate;
- un antisérum ait été préparé, ou alors, dans le cas où un tel antisérum n’aurait pas été préparé, que l’antigène ne présente aucune particularité ni aucune indication qui amènerait une personne versée dans l’art à douter de la probabilité de réussite si cette personne décidait de produire un anticorps dirigé contre l’antigène.
Exemples
- Le mémoire descriptif divulgue une protéine nouvelle isolée d’un pathogène bactérien qui est utile comme cible diagnostique pour la détection d’une maladie causée par la bactérie. Le mémoire descriptif présente également la séquence d’acides aminés (SEQ ID NO: 1) de la protéine, des méthodes de purification de celle-ci à l’aide de techniques de recombinaison ainsi que des méthodes de préparation des anticorps dirigés contre la protéine par l’immunisation d’un mammifère hôte approprié. On ne donne aucun exemple pratique d’un anticorps. La protéine semble appartenir à une nouvelle classe de protéines bactériennes, et une recherche de séquences révèle que la substance la plus étroitement apparentée sur le plan structurel est identique à 20 %, sans domaines communs de quelque importance.
Revendication :
- Un anticorps capable de se lier à la protéine définie par SEQ ID NO: 1.
Analyse : La revendication est acceptable. Comme la protéine est nouvelle, est utile en tant que cible diagnostique et ne présente qu’un faible degré de similitude structurelle avec les protéines connues, les anticorps dirigés contre cette protéine sont eux-aussi nouveaux, utiles et non évidents. Le mémoire descriptif est valable relativement à la préparation des anticorps et comprend une description écrite (la séquence des acides aminés) de l’antigène. La revendication est donc entièrement étayée par le mémoire descriptif.
- Le mémoire descriptif divulgue une protéine nouvelle isolée d’un pathogène bactérien qui est utile comme cible diagnostique pour la détection d’une maladie causée par la bactérie. Le mémoire descriptif présente également la séquence d’acides aminés (SEQ ID NO: 1) de la protéine, des méthodes de purification de celle-ci à l’aide de techniques de recombinaison, ainsi que des méthodes de préparation des anticorps dirigés contre la protéine par l’immunisation d’un mammifère hôte approprié. On ne donne pas d’exemples pratiques d’un nouvel anticorps. Le gène codant la protéine a été cloné par immunocriblage d’une banque de phages avec un anticorps ancien et connu qui réagit avec un proche homologue de la protéine.
Revendication :
- Un anticorps capable de se lier à la protéine définie par SEQ ID NO: 1.
Analyse : La revendication est susceptible d’objection. Même si la protéine proprement dite définie par SEQ ID NO: 1 semble nouvelle, l’anticorps revendiqué est anticipée puisque la revendication correspond à l’anticorps ancien et connu qui présente la capacité de liaison requise, c’est-à-dire l’anticorps utilisé pour réaliser l’immunocriblage.
- Le mémoire descriptif divulgue une corrélation, mise en évidence par analyse chromatographique, entre un nouveau peptide hydrophobe et une maladie. La séquence d’acides aminés du peptide est présentée et révèle qu’il s’agit d’un membre de faible poids moléculaire d’une classe de peptides contre lequel aucun anticorps n’a jamais été préparé, malgré plusieurs tentatives. Le mémoire descriptif indique que les anticorps dirigés contre le peptide peuvent être préparés en vue d’une utilisation éventuelle dans un dosage immunologique pour la maladie. Le mémoire descriptif ne fournit pas d’exemples pratiques d’un anticorps qui réagit avec le peptide.
Revendication :
- Un anticorps capable de se lier à la protéine définie par SEQ ID NO:1.
Analyse : La revendication est susceptible d’objection. Aucun anticorps dirigé contre le peptide nouveau n’a été produit, et le mémoire descriptif précise que, malgré plusieurs tentatives, aucun anticorps dirigé contre des peptides similaires n’a été produit. Une personne versée dans l’art ne verrait pas le mémoire descriptif comme permettant de produire l’anticorps revendiqué.
17.08.01b
Anticorps monoclonaux
Les anticorps monoclonaux se lient à un déterminant antigénique, ou épitope, précis porté par un antigène immunisant. On peut considérer un anticorps monoclonal donné comme un membre de la famille des anticorps polyclonaux présents dans un antisérum obtenu après exposition à un antigène immunisant.
Comme dans le cas des revendications visant des anticorps polyclonaux, une revendication visant un anticorps monoclonal doit être étayée par un mémoire descriptif qui permette de réaliser l’invention et qui comporte une description écrite de l’anticorps.
Les étapes fondamentales de la préparation d’anticorps monoclonaux sont bien connues et établies. Ainsi, pour qu’un mémoire descriptif soit valable, l’antigène polypeptidique contre lequel est dirigé l’anticorps monoclonal doit être décrit, mais le demandeur n’est pas tenu décrire de façon détaillée le procédé utilisé pour produire l’anticorps. Un protocole détaillé ne serait nécessaire que si l’invention consiste, du moins en partie, à l’adaptation de procédés connus afin de surmonter des difficultés liées à la fabrication d’un anticorps monoclonal dirigé contre un antigène donné.
L’examinateur tiendra compte des éléments suivants pour déterminer si un mémoire descriptif donné portant sur des anticorps monoclonaux est valable :
- si le demandeur a effectivement préparé un anticorps monoclonal;
- dans le cas où un anticorps monoclonal n’a pas été préparé :
- si l’antigène et les étapes fondamentales de la préparation de l’anticorps monoclonal sont décrits;
- la disponibilité de l’antigène et/ou la facilité avec laquelle il est possible de le produire;
- s’il y a des indications selon lesquelles le demandeur n’a pu produire un anticorps monoclonal dirigé contre l’antigène en question ou des indications laissant entendre qu’une personne versée dans l’art ne pourrait produire, de façon reproductible, un anticorps monoclonal dirigé contre ledit antigène;
- s’il y a des indications laissant entendre qu’il faudrait effectuer des expériences indues ou apporter des modifications indues aux étapes de production fondamentales pour obtenir un antigène monoclonal.
La liste précédente n’est ni exhaustive ni cumulative et ne doit servir que de guide. Les demandes seront évaluées au cas par cas.
Un mémoire descriptif doit non seulement permettre de produire un anticorps monoclonal revendiqué, mais aussi fournir une description écrite dudit anticorps. Cette exigence est considérée comme satisfaite lorsque le mémoire descriptif décrit au moins un anticorps monoclonal et qu’il est évident que le demandeur détenait l’anticorps au moment du dépôt de la demande de brevet. Le renvoi à un dépôt de matière biologique – un hybridome ou un anticorps monoclonal – est le meilleur moyen pour un demandeur de démontrer qu’il possède l’anticorps en question.
Les demandeurs doivent toutefois noter qu’un dépôt en vue de l’obtention d’un brevet, c’est-à-dire pour que l’on détermine si les exigences du paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets sont satisfaites, doit être conforme aux articles 104 à 106 des Règles sur les brevets.
La description écrite d’un anticorps monoclonal peut également être considérée comme adéquate s’il s’agit d’une description explicite de l’épitope auquel l’antigène se lie, de la même manière que la description écrite d’un anticorps générique ou polyclonal peut consister en une description générale d’un antigène. Comme il a été exposé en 17.08.01a, la description écrite d’un antigène consiste en la description écrite de l’ensemble des épitopes portés par l’antigène et fournit ainsi une description de la famille des anticorps polyclonaux auxquels il se lie. Puisqu’un anticorps monoclonal est un membre de la famille des anticorps se liant à un épitope précis, si la description est faite en fonction de la molécule à laquelle il se lie, le mémoire descriptif doit comprendre une description structurelle de l’épitope.
Un épitope de protéine peut être décrit en fonction d’une séquence précise d’acides aminés qui constitue un sous-ensemble de la séquence polypeptidique de la protéine entière, ou en fonction d’une poche de liaison définie par des acides aminés non contigus.
Lorsque l’existence d’un épitope n’a pas été démontrée mais prédite, par exemple par modélisation informatique, le mémoire descriptif doit non seulement comprendre une description structurelle de l’épitope, mais aussi reposer sur des faits et sur un raisonnement solide permettant d’étayer la prédiction de l’existence d’un site putatif de liaison avec l’anticorps.
L’examinateur tiendra compte des éléments suivants pour déterminer si un mémoire descriptif donné fournit une description écrite d’un anticorps monoclonal :
- si le demandeur possédait physiquement l’anticorps monoclonal au moment du dépôt;
- si le demandeur avait effectué un dépôt de matière biologique – un hybrodome ou un anticorps monoclonal – en vue de l’obtention d’un brevet, ou s’il était en mesure de le faire au moment du dépôt;
- si le mémoire comporte une description structurelle précise d’un ou de divers épitopes de l’antigène auquel l’anticorps monoclonal doit se lier.
La liste précédente n’est ni exhaustive ni cumulative et ne doit servir que de guide. Les demandes seront évaluées au cas par cas.
Lorsque l’état antérieur de la technique divulgue un anticorps monoclonal spécifique de l’antigène X, une divulgation générale n’est pas acceptable, car elle correspondrait à l’état antérieur de la technique.
Un document antérieur expliquant simplement comment préparer un anticorps monoclonal dirigé contre un antigène mais ne donnant pas de description précise d’un tel anticorps monoclonal n’est pas considéré comme un document pouvant anticiper une demande qui revendique et décrit de façon précise un anticorps monoclonal.
Exemple :
- Le mémoire descriptif divulgue une protéine nouvelle isolée d’un pathogène bactérien qui est utile comme cible diagnostique pour la détection d’une maladie causée par la bactérie. Le mémoire descriptif présente également la séquence d’acides aminés (SEQ ID NO: 1) de la protéine, des méthodes de purification de celle-ci à l’aide de techniques de recombinaison ainsi que des méthodes de préparation des anticorps monoclonaux dirigés contre la protéine à l’aide de techniques classiques. Le mémoire descriptif ne décrit ni un anticorps monoclonal, ni le paratope d’un tel anticorps, ni un épitope précis de la protéine.
Revendication :
- Un anticorps monoclonal capable de se lier à la protéine définie par SEQ ID NO: 1.
Analyse : La revendication est susceptible d’objection. Bien que le mémoire descriptif permette de préparer un anticorps monoclonal capable de se lier à l’antigène, il n’y a aucune description écrite d’un tel anticorps monoclonal. Le mémoire descriptif ne précise pas que le demandeur possédait un anticorps monoclonal et ne comporte pas la description structurelle d’un épitope précis auquel se lierait un anticorps putatif.
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